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2) Propulsion et lévitation grâce aux bobines supraconductrices
Mais la voie seule ne suffit pas à propulser le train. À l’intérieur du Maglev se trouve des bobines supraconductrices qui assurent la lévitation et participe à la propulsion. Avant de définir les bobines supraconductrices, nous commençons par expliquer le phénomène de la supraconductivité.
Elle fut découverte en 1911 par Heike Kamerlingh Onnes, dont le portrait est ci-dessous, ce qui lui valut un prix Nobel de physique. [10]
Figure 8: Portrait de Heike Kamerlingh
La supraconductivité, illustrée par la figure 9, est un phénomène présenté par certains métaux, alliages, ou céramique, caractérisée par une absence de résistance électrique et l’expulsion de toutes formes de magnétisme, en dessous d’une température critique. [11]
Figure 9: Photo mettant en évidence le phénomène de lévitation, présent dans la supraconductivité
Qu’est-ce que la résistance électrique ? Le courant électrique est assuré par le déplacement des charges électriques. Ces porteurs de charge en mouvement interagissent avec les atomes constitutifs du milieu dans lequel ils se déplacent, par exemple un câble électrique, ce qui constitue un frein à leurs déplacements. Normalement, la résistivité accroit lorsque la température augmente et inversement. La résistance d'une pièce rectiligne d'un matériau se calcule par la formule:
Avec : R (résistance) en ohms (Ω), ρ (résistivité) en ohm.mètre (Ω.m), L (longueur) en mètres (m), S en mètres carrés (m2)
De plus, elle est à l’origine d’une dissipation de l’énergie électrique sous forme de chaleur, l’effet Joule. Donc les matériaux supraconducteurs ne subissent pas l’effet Joule puisqu’ils n’ont pas de résistance électrique. [12]
Qu’est-ce que la température critique ? C’est la température en-dessous de laquelle le matériau atteint une résistivité nulle, c’est-à-dire lorsque le matériau devient supraconducteur. Il existe deux types de supraconducteurs : les supraconducteurs conventionnels, découverts en premier, qui se manifestent à une température aux alentours du zéro critique (0 K) correspondant à -273,15°C et les non conventionnels qui sont dans un état « supra » à des températures plus hautes, dont le maximum est 133 K, donc -140°C. [10]
Exemple sur le mercure :
Figure 10 : Graphique représentant la résistivité du mercure en fonction de la température en Kelvin
On remarque qu’en refroidissant le mercure sa résistivité décroit. Alors que la résistivité devrait continuer de baisser proportionnellement à la température, celle-ci chute brutalement jusqu’à être nulle, 4,2 K est la température critique du mercure. Ainsi le matériau devient supraconducteur.
Les bobines supraconductrices placées dans le train à lévitation magnétique sont refroidies par de l’hélium liquide à 4 K, c’est-à-dire -269ºC. Cette température correspond au maximum à la température critique des bobines. Elles produisent aussi de l’électricité sans apport d’énergie et sans perte d’énergie grâce à leur résistivité nulle. Ainsi, elles se comportent comme des électroaimants (excepté la résistivité nulle), avec un pôle sud et un pôle nord. Or la voie est constituée d’électroaimants traversés par un courant alternatif. Ces informations ainsi que la figure 11 permettent de comprendre comment le Maglev avance. [4]
Figure 11 : Schéma expliquant la propulsion du Maglev
La propulsion est due au phénomène de répulsion et d’attraction. Les pôles de même nature sont face à face, alors le train va être à la fois poussé et attiré vers l’avant par les pôles de nature opposée. Puis le courant s’inverse afin de répéter ce procédé. De plus, si le train se rapproche d’une paroi, l’intensité du courant induit augmente. Ainsi le train est recentré dans la voie.
Aurait-on pu remplacer les bobines supraconductrices par des électroaimants ? Pour obtenir un champ magnétique élevé, il faut utiliser un courant électrique élevé. Mais plus le courant est élevé, plus la résistance est grande, donc la température augmente et de l’énergie est perdue par effet Joule. Alors le fil de la bobine peut fondre. On pourrait refroidir le fil avec de l’eau, mais cette solution est trop couteuse, alors qu’un fil supraconducteur ne subit pas l’effet Joule. [9] Aussi, les bobines, bien que chaque rame pèse 25 tonnes, permettent la lévitation du train environ 10 cm au-dessus de la voie. [5]
Comment les bobines supraconductrices font-elles léviter le Maglev ?
Le phénomène d’expulsion du champ magnétique auquel le matériau est soumis est appelé effet Meissner ou diamagnétisme parfait. Il fut observé en 1933 par Walter Meissner, dont on peut voir le portrait à la figure 12, accompagné de Robert Ochsenfeld. En général, en présence d’un champ magnétique, un conducteur parfait créerait un champ magnétique de même intensité. Cependant, dans les mêmes circonstances, le champ magnétique à l’intérieur d’un supraconducteur est nul. [11]
Figure 12: Photo de Walter Meissner
Le supraconducteur repousse le champ magnétique, il génère un champ magnétique opposé. Cet effet est possible grâce aux boucles de courants électriques qui apparaissent spontanément à la surface du matériau et tournent en rond jusqu’à créer un champ magnétique, tel des électroaimants. Ces courants appelés supercourants n’ont besoin d’aucune source d’énergie et peuvent exister perpétuellement grâce à la résistivité nulle des supraconducteurs. Ils s’ajustent de façon à compenser exactement, à l’intérieur du supraconducteur, le champ magnétique appliqué et le protègent, hormis la surface du matériau puisque c’est là qu’ils se développent. Cela permet la sustentation du supraconducteur. [13]
Voici une synthèse de ce phénomène :
Légende :
Figure 13 : Schéma récapitulatif de l’effet Meissner
Mais l’effet Meissner n’est pas le seul moyen de lévitation possible.
Il existe deux types de supraconducteurs. Le type I concerne les matériaux qui sont soit dans un état normal, soit dans état supraconducteur gouverné par la loi de Meissner, selon leur température critique et le champ magnétique appliqué. Par exemple lorsque le champ magnétique devient trop élevé, le plomb, étant un supraconducteur de type I, redevient à un état normal. Le type II concerne les matériaux qui se comportent comme le type I lorsque le champ magnétique est faible ou lorsque l’échantillon est placé loin de celui-ci, mais possède un troisième état : l’état mixte, représenté par la figure 14. Les supraconducteurs de type II adoptent cet état lorsque le champ magnétique devient élevé. Ils possèdent alors des zones supraconductrices et d’autres non conductrices appelées vortex. L’alliage NbSn est un exemple de supraconducteur de type II. [11][13]
Qu’est-ce que les vortex ? Ce sont des colonnes qui laissent pénétrer le champ magnétique appliqué, à l’intérieur du supraconducteur de type II. Alors le matériau n’est plus supraconducteur dans ces tubes. Pour permettre au champ magnétique de passer à travers le vortex, le matériau développe des courants supraconducteurs qui circulent autour de ces colonnes, dans une sorte de tourbillon qui justifie le nom "vortex ".
Figure 14: Schéma de l’état mixte avec les vortex des supraconducteurs de type II
L’effet Meissner repousse l’échantillon lorsque celui-ci est refroidi, mais si l’échantillon est un supraconducteur de type II, on peut le maintenir en lévitation à l’endroit où il se trouvait quand il fut refroidit : c’est le piégeage des vortex. Lorsque le supraconducteur de type II est dans un état mixte, les vortex se placent en face de l’aimant (ou de l’électroaimant) et dessinent comme « une image magnétique » de celui-ci. Et si on le refroidit au-dessus de l’aimant, les vortex restent dans leur position sans pouvoir bouger, ils sont piégés. Ils sont accrochés à l’aimant (ou électroaimant) de telle sorte que la distance les séparant reste identique même en retournant à l’envers le supraconducteur. Cela permet aux supraconducteurs d’avoir une lévitation plus importante qu’avec l’effet Meissner.
Voici une synthèse des trois états que peuvent avoir un supraconducteur de type II :
Figure 15 : Graphique représentant l’influence du champ magnétique sur un supraconducteur de type II par rapport à la température
Lorsque le supraconducteur est refroidit au minimum en dessous de sa température critique (Tc), on peut constater l’effet Meissner si l’intensité du champ magnétique est faible (jusqu'à Bc1) et le piégeage des vortex si l’intensité du champ magnétique est puissant (Bc2). En revanche, lorsque le supraconducteur est au-dessus de la température critique, le matériau laisse passer le champ magnétique. [13]
Comme les plusieurs milliers de tours de fils supraconducteurs pouvant créer des champs magnétiques de plusieurs teslas (1 tesla vaut à peu près 10 000 fois le champ de la Terre), sont à base d’alliage de niobium et d’étain (Nb3Sn), la bobine du Maglev est un supraconducteur de type II. Et puisque le champ magnétique appliqué par les électroaimants de la voie est élevé, la bobine supraconductrice se trouve dans un état mixte et possède des vortex. Ainsi, pour garder la même distance au-dessus du sol, et permettre au Maglev de prendre facilement des virages les vortex des bobines supraconductrices doivent être piégés.
Quand un aimant est déplacé à proximité d’un métal, même non magnétique, des courants apparaissent dans ce métal, appelés « courants de Foucault », ou « courants induits». Un champ magnétique se déplaçant peut donc créer des courants induits qui vont créer un second champ magnétique. Celui-ci va interagir avec le premier. [14]
Ainsi, le processus de lévitation est automatique tant que le véhicule se déplace à une vitesse au-dessus du seuil de décollage. En dessous de cette limite, les courants induits s’affaiblissent au point où les forces magnétiques sont trop faibles pour mettre en lévitation le véhicule. C’est pourquoi, au démarrage le train se déplace sur des roues semblables à celles d’un avion et une fois seulement qu’il atteint les 100 km.h-1, le Maglev entre en lévitation. A ce moment, la distance qui le sépare du monorail reste identique. De plus, les Japonais estiment que la mise en place des roues offre plus de sécurité, puisque en cas d’une panne du système le train peut s’en servir. [5]
Pour le freinage le Maglev est munit d’aéro-freins, illustré par la figure 16, qui sont de simples morceaux métalliques qui en se déployant augmenteront la résistance aérodynamique du train. Il diminue les courants induits dans la voie et ainsi les champs magnétiques. Le train peut également recourir aux freins placés sur les roues à basse vitesse. Elles seront déployées si cela est nécessaire.
Figure 16 : Photo du Maglev muni d’aéro-freins